Dans un climat politique marqué par la montée des tensions identitaires et les débats sur la laïcité, le président Emmanuel Macron a de nouveau recentré le débat sur le communautarisme lors d’une récente réunion ministérielle. Une orientation qui a suscité une avalanche de commentaires dans la presse, révélant autant les lignes de fracture que les positionnements idéologiques en présence. Retour sur une séquence révélatrice de la stratégie de l’exécutif.
Une « reprise en main républicaine » ?
D’après Le Monde, le chef de l’État a demandé à ses ministres de « ne rien céder » face aux logiques communautaires, insistant sur l’urgence d’« affirmer les principes républicains partout sur le territoire ». Ce ton martial rappelle les déclarations de 2020, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, où Emmanuel Macron avait dénoncé « l’islamisme radical » et ses ramifications dans certains quartiers.
La réunion, qualifiée par certains médias comme un tournant sécuritaire, semble s’inscrire dans une volonté de réaffirmer la centralité de la République une et indivisible, au moment où les fractures culturelles et religieuses apparaissent de plus en plus visibles dans le débat public.
Une réponse à la pression de la droite ?
Le Figaro, dans un article éditorial, voit dans cette posture un coup politique destiné à rassurer l’électorat de droite, alors que les sondages montrent un effritement du socle électoral de la majorité présidentielle. La montée du Rassemblement National et la percée de figures comme Marion Maréchal dans le débat public pèsent probablement dans l’équation.
D’un autre côté, certains ministres auraient, selon Libération, exprimé en privé leur malaise face à cette ligne qu’ils jugent trop rigide. Ils redoutent un amalgame entre communautarisme et expression culturelle ou religieuse légitime. Une crainte partagée par une partie de la gauche, qui y voit une stratégie électoraliste dangereuse pour la cohésion sociale.
Le piège du flou lexical
La presse s’accorde sur un point : le terme « communautarisme » reste flou et difficile à définir. Est-il question de séparatisme religieux ? D’enfermement identitaire ? De revendications culturelles légitimes dans un cadre démocratique ?
Des voix comme celle de la politologue Farhad Khosrokhavar interrogent la pertinence d’un tel mot-valise, qui, mal utilisé, risque d’alimenter la stigmatisation plutôt que le débat. Dans une tribune publiée par L’Obs, il rappelle que la République ne peut pas imposer l’intégration à coups d’injonctions sécuritaires.
Une stratégie à double tranchant
La relance du sujet du communautarisme par Emmanuel Macron semble donc s’inscrire dans une tactique de reconquête politique à moins de deux ans de la présidentielle. Mais cette stratégie, si elle permet de polariser le débat public, pourrait aussi créer une ligne de fracture au sein même de la majorité présidentielle, déjà écartelée entre sa base centriste et ses ambitions droitières.
À mesure que l’agenda politique s’accélère, le président semble faire le pari que la fermeté républicaine paiera. Mais au prix de quel dialogue social ? Et surtout, avec quels effets sur le vivre-ensemble ?
Auteur
Mayeul BERETTA
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