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Deepfakes : entre menace démocratique et urgence éducative

À l’ère de l’intelligence artificielle générative, les deepfakes ne sont plus de la science-fiction

Devenus des outils de manipulation redoutables, ils appellent une réponse législative et éducative urgente

Les deepfakes — ces vidéos truquées capables de reproduire à l’identique le visage et la voix d’une personne — sont désormais une réalité omniprésente. Grâce aux avancées spectaculaires de l’intelligence artificielle générative, ces contenus ne relèvent plus du fantasme technologique. Ils s’imposent comme une menace concrète, touchant la vie politique, les médias, la sphère privée, et soulèvent des défis éthiques, juridiques et sociaux d’ampleur.

Un enjeu de société pressant

Selon Le Monde (mars 2025), qui consacre un dossier à la désinformation numérique, les deepfakes sont devenus une arme de manipulation massive. Ils interviennent aussi bien dans les campagnes électorales que dans des affaires de revenge porn. Le quotidien pointe un vide juridique préoccupant : « Le manque de cadre clair rend les poursuites extrêmement complexes, même lorsque les victimes sont identifiables et les contenus largement diffusés. »

Libération insiste de son côté sur l’impact psychologique : « Les deepfakes créent une confusion qui sape la confiance dans les images, les discours, et même dans les faits eux-mêmes. » Une perte de repères qui fragilise particulièrement les jeunes et les publics moins familiarisés avec les outils numériques.

Une première réponse législative en France

Face à cette menace, la France a adopté en avril 2025 une loi contre les contenus falsifiés numériquement. Parmi les mesures phares :

  • Obligation de signalement explicite des contenus générés ou modifiés par IA.

  • Sanctions pénales pour la diffusion de deepfakes nuisibles sans consentement.

  • Renforcement des droits des victimes, avec un dispositif de retrait accéléré.

Mais comme le rappelle France Inter dans son émission Le Téléphone Sonne : « Une loi ne suffit pas. Il faut éduquer, informer, sensibiliser. Sinon, ces textes resteront lettre morte pour la majorité de la population. »

Informer sans exclure : une nécessité démocratique

La lutte contre les deepfakes ne peut reposer uniquement sur les textes législatifs. Elle doit s’accompagner d’une stratégie de communication inclusive, garante d’une protection équitable pour tous :

  • Employer un langage clair et non technocratique, compréhensible par le plus grand nombre.

  • Adapter les messages aux différents publics : jeunes, personnes âgées, en situation de handicap, non-francophones...

  • Collaborer avec les acteurs de terrain : associations, enseignants, influenceurs, bibliothécaires.

Concrètement, cela signifie proposer des campagnes traduites en langues régionales ou étrangères, accessibles en version audio, ou diffusées sur les plateformes populaires comme TikTok et Instagram — là où les contenus problématiques circulent le plus.

Une responsabilité collective

Si l’existence d’un cadre légal est un premier pas décisif, la lutte contre les deepfakes doit être collective. Journalistes, enseignants, plateformes numériques, citoyens : chacun a un rôle à jouer. Il s’agit d’une mobilisation qui doit se faire dans un esprit de solidarité, en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte.

Comme le résume un éditorial du Nouvel Obs : « Ce n’est pas seulement une question de technologie ou de droit. C’est une question de démocratie. »

Aux États-Unis : la menace électorale en ligne de mire

De l’autre côté de l’Atlantique, les deepfakes sont avant tout perçus comme un risque électoral majeur. En février 2024, The Washington Post révélait la diffusion d’un deepfake imitant la voix de Joe Biden, incitant à ne pas voter, à la veille des primaires démocrates. Le scandale a provoqué une onde de choc et conduit plusieurs États à légiférer dans l’urgence.

CNN souligne que « la rapidité de propagation de ces vidéos, combinée à l’absence de sensibilisation du public, crée un terrain fertile pour la manipulation politique. »

Un patchwork juridique inégal

Contrairement à la France, les États-Unis adoptent une approche décentralisée :

  • Texas et Californie ont interdit l’usage des deepfakes dans les campagnes électorales.

  • New York a légiféré contre les deepfakes à caractère sexuel sans consentement.

  • Au niveau fédéral, le DEEPFAKES Accountability Act propose d’instaurer un marquage obligatoire des contenus modifiés par IA.

Mais comme le rappelle The New York Times, cette mosaïque de lois crée une inégalité de protection selon les États.

Une communication inclusive, des deux côtés de l’Atlantique

Des deux côtés de l’Atlantique, un même défi s’impose : comment informer sans exclure ni effrayer ? Les solutions passent par des campagnes :

  • Multilingues (en espagnol aux États-Unis, par exemple),

  • Accessibles à tous les formats : sous-titrages, audio, infographies,

  • Ancrées dans les réseaux locaux : éducateurs, associations, influenceurs.

La Federal Trade Commission (FTC) recommande d’ailleurs déjà des actions ciblées, notamment en direction des adolescents, particulièrement exposés sur les réseaux sociaux.

Auteur 

Mayeul BERETTA

 

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