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Le handicap, angle mort de la loi sur la fin de vie : l’appel de 1600 proches de personnes handicapées

  

Alors que la France débat intensément autour du projet de loi sur la fin de vie, une voix forte s'est élevée pour dénoncer un oubli grave : celui des personnes en situation de handicap. Dans une tribune parue dans Le Monde et reprise par de nombreux médias, 1600 proches de personnes handicapées alertent sur un risque majeur : que le handicap soit assimilé, à tort, à une "vie indigne", justifiant ainsi l’accès à l'aide à mourir. Analyse d'une mobilisation encore trop peu visible.

Une tribune choc dans "Le Monde"

Le 22 avril 2025, Le Monde a publié une tribune signée par 1600 parents, frères, sœurs et amis de personnes handicapées. Leur cri d'alarme est clair : le projet de loi sur la fin de vie, tel qu’il est envisagé, pourrait gravement discriminer les personnes handicapées en les exposant à une pression sociale implicite pour demander la mort. Selon les signataires, la loi ne prend pas suffisamment en compte la spécificité du handicap, contrairement aux maladies incurables ou aux douleurs physiques insoutenables qui sont au cœur du débat.

Un traitement médiatique inégal

Si Le Monde a donné une place importante à cette tribune, d'autres grands titres comme Libération, La Croix ou Franceinfo ont couvert l'information de façon plus discrète, souvent en la reliant à l'ensemble du débat sur l'aide à mourir. Peu de médias ont approfondi le fond de la question : quelles garanties pour que le handicap ne soit pas perçu comme une "situation de non-vie" ?

Quelques exceptions notables :

  • La Croix a publié une série de témoignages poignants de familles inquiètes.

  • France Culture a organisé une émission spéciale avec des philosophes et des personnes handicapées pour explorer le lien entre autonomie et dignité.

  • À l’inverse, la majorité des journaux télévisés ont survolé la question en quelques minutes, axant l’essentiel du débat sur les douleurs physiques de malades en phase terminale.

Les craintes des proches : dignité ou exclusion déguisée ?

Pour les signataires, le danger est double :

  • D'une part, une personne lourdement handicapée pourrait être incitée, consciemment ou non, à choisir la mort pour "ne pas peser" sur sa famille ou sur la société.

  • D’autre part, la définition juridique actuelle d’"une vie insupportable" reste floue. Faute de critères précis, le risque d'interprétations subjectives devient énorme.

Le message est clair : une société qui valorise réellement l'inclusion doit aussi protéger ses membres les plus fragiles des injonctions à disparaître.

Que demandent les familles ?

Les 1600 proches formulent des demandes précises :

  • Inscrire noir sur blanc dans la loi que le handicap, à lui seul, ne peut constituer un critère d’accès à l’aide à mourir.

  • Renforcer les contrôles pour vérifier que les demandes d’euthanasie émanent d’une volonté pleinement éclairée et autonome, et non d’un sentiment de charge sociale ou économique.

  • Financer de manière massive l’accompagnement des handicaps, pour garantir une vraie qualité de vie aux personnes concernées.

Un débat éthique majeur

 

Au fond, la mobilisation des proches de personnes handicapées nous oblige à poser la question de fond : comment la société française considère-t-elle la valeur de la vie des personnes handicapées ? Est-elle prête à écouter leur parole, ou à continuer à parler en leur nom ?

 

Si la question de la fin de vie mérite un débat sérieux et apaisé, elle ne peut ignorer cette inquiétude. Car en voulant offrir à chacun la liberté de mourir dans la dignité, la France risque, paradoxalement, de négliger le combat pour la dignité de vivre.

Auteur 

Mayeul BERETTA

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