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Fraude aux allocations handicap : le Royaume-Uni sous tension, l’Europe s’interroge

 


Une sportive au cœur d’une affaire de fraude

Sarah Morris, habitante de Stoke-on-Trent, a touché une pension pour handicap sévère… tout en participant à 73 courses à pied entre 2019 et 2022. Le tout documenté avec enthousiasme sur Facebook et Strava.

Alertées par ses publications, les autorités ont ouvert une enquête. Verdict en 2024 : huit mois de prison et 22 386 livres à rembourser (environ 26 000 €). Faute de paiement sous 28 jours, une peine supplémentaire de 9 mois l’attend.


Un contexte politique tendu au Royaume-Uni

Cette affaire tombe à un moment critique : en mars 2025, le gouvernement travailliste a annoncé 5 milliards de livres de coupes budgétaires dans les aides aux personnes handicapées.

La principale mesure : durcir l’accès au Personal Independence Payment (PIP), une aide destinée aux personnes dont les problèmes de santé affectent le quotidien ou l’emploi. Les réactions sont vives : ONG et élus parlent d’une politique "dévastatrice".


Une fraude marginale… mais surmédiatisée

Officiellement, la fraude au PIP représente 0,2 % des sommes versées, et celle à l’allocation DLA, 0,5 %. En comparaison, l’allocation universelle est bien plus exposée, avec un taux de fraude de 11,5 %.

Mais dans l’opinion publique, ce sont les cas rares mais spectaculaires, comme celui de Sarah Morris, qui captent l’attention et influencent les politiques.


Faut-il tout revoir ? Oui, mais avec nuance

Cette affaire illustre un dilemme : comment sanctionner les abus sans nuire aux vrais bénéficiaires ?
Une réforme équilibrée devrait :

  • Reposer sur des données objectives

  • Maintenir un accès équitable aux aides

  • Éviter la stigmatisation des personnes en situation de handicap


 En France : des contrôles automatisés critiqués

 La CAF sous l’œil de l’IA

Depuis 2010, la Caisse d’allocations familiales (CAF) utilise des algorithmes de scoring pour repérer les anomalies dans les dossiers, y compris pour l’AAH (allocation aux adultes handicapés). Chaque mois, 13,6 millions d’allocataires sont notés.

Mais ce système, jugé opaque, soulève des inquiétudes. Notamment sur un possible biais discriminatoire, ciblant les plus précaires.

 Des erreurs qui coûtent cher

Certaines personnes accusées à tort en paient le prix fort. Une femme de 53 ans, en situation de handicap, a reçu une demande de remboursement de 15 000 € pour un emploi… qu’elle n’occupait pas. Résultat : perte d’allocations pendant plusieurs mois malgré ses recours.

 Une fraude faible, comme au Royaume-Uni

En 2020, seulement 1,2 % des fraudes détectées par la CAF concernaient l’AAH (environ 5,9 millions €). La majorité (46,4 %) concernait le RSA, bien plus exposé aux abus.


Pays-Bas : quand l’algorithme vire au cauchemar

Impossible d’oublier l’affaire des allocations familiales néerlandaises. Entre 2013 et 2019, un algorithme biaisé a accusé à tort des milliers de familles de fraude. Beaucoup étaient issues de minorités ethniques.

Conséquences : dettes massives, familles brisées, enfants placés. Le scandale a provoqué la chute du gouvernement en 2021.


 Pour une politique sociale juste et humaine

Qu’il s’agisse du Royaume-Uni, de la France ou des Pays-Bas, une chose est claire : la fraude existe, mais elle reste marginale.

Ce qui est essentiel :

✅ Lutter contre les abus
✅ Protéger les droits des allocataires
✅ Rendre les algorithmes transparents
✅ Offrir des recours accessibles
✅ Intégrer une dimension humaine dans les contrôles

 

En résumé : sanctionner sans punir l’ensemble des bénéficiaires. Une politique sociale digne repose autant sur la confiance que sur le contrôle.

Auteur 

Mayeul BERETTA

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