À la veille du solstice d’été, moment où le soleil atteint sa plus haute position dans le ciel et où l’intensité des rayons UV est maximale, les articles consacrés aux crèmes solaires se multiplient. Cette année encore, un certain nombre de publications médiatiques s’emparent du sujet… en lui donnant une orientation bien particulière : l’impact environnemental des crèmes solaires, notamment sur les écosystèmes marins.Le message est clair, voire alarmiste : ces produits abîment les coraux, polluent les océans et doivent être remplacés par des alternatives bio, voire utilisés avec parcimonie. Sur ce point, personne ne conteste la nécessité d’agir. En tant que scientifique engagé dans la recherche sur la formulation et l’écotoxicologie des filtres solaires, je partage l’objectif de minimiser notre empreinte environnementale.
Mais ce qui frappe — et inquiète — dans ces articles, c’est l’absence totale de tout rappel sur la fonction première des crèmes solaires : protéger la peau contre les effets délétères des rayons UV. Pas un mot sur les cancers de la peau. Aucune mention des risques accrus en période estivale. Aucun conseil de prévention sanitaire.
La science éclipsée par le sensationnel
Ce silence n’est pas anodin. Il reflète une tendance préoccupante de certains médias à privilégier le récit choc, l’indignation virale ou la solution "naturelle", au détriment d’une information équilibrée et scientifiquement fondée. En résulte un message déséquilibré qui, sous couvert de protection de l’environnement, délégitime un outil majeur de santé publique.
Or les données scientifiques sont claires : les cancers cutanés sont en progression constante, en partie du fait de comportements à risque et d’une banalisation de l’exposition solaire. Les crèmes solaires ne sont pas une panacée, mais elles font partie intégrante de l’arsenal de prévention, aux côtés des vêtements, de l’ombre et de l’éducation aux horaires d’exposition.
Réduire l’impact, oui. Oublier la santé, non.
Il est urgent de sortir d’une logique binaire opposant environnement et santé. Oui, certaines molécules solaires posent problème en milieu marin, et de nombreuses équipes de recherche — publiques comme privées — travaillent activement à développer des filtres plus sûrs, biodégradables, et tout aussi efficaces. Oui, nous devons repenser notre manière d’utiliser ces produits, en favorisant une application raisonnée, ciblée, et en complémentarité avec d’autres moyens de protection.
Mais non, le discours médiatique ne doit pas taire les enjeux sanitaires. À force de mettre l’accent exclusivement sur les risques environnementaux — aussi réels soient-ils — on crée un effet de bascule : la crème solaire devient un "poison pour les océans" qu’il faudrait presque bannir… même en plein été, même pour les peaux à risque. C’est une dérive dangereuse.
Restaurer une parole scientifique audible
Ce déséquilibre dans le traitement médiatique témoigne d’un mal plus profond : la difficulté croissante pour la science de faire entendre une parole nuancée, factuelle, parfois moins spectaculaire, mais indispensable. Dans un monde saturé d’images fortes et de messages simplistes, la complexité devient suspecte, et la rigueur semble moins "vendeuse" qu’un discours radical.
En tant que scientifique, je me dois de le dire clairement : les produits solaires sont essentiels pour prévenir des maladies graves. Travailler à les améliorer est une nécessité. Les utiliser intelligemment, une responsabilité. Mais les disqualifier en bloc, sous prétexte qu’ils ne sont pas encore parfaits, est une faute.
À l’heure où le soleil est à son zénith, sachons aussi faire briller la rigueur de l’information.
Auteur
Mayeul BERETTA
Écrire commentaire