À la naissance des États‑Unis en 1776, les personnes handicapées n’avaient aucun droit reconnu. Prises en charge par les familles ou enfermées dans des institutions religieuses ou municipales, elles étaient considérées comme une charge sociale.
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Dans plusieurs villes (comme Chicago ou San Francisco à partir de 1867), des « lois sur les laids » interdisaient aux personnes jugées « déformées » d’apparaître dans les lieux publics.
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Les premières écoles spécialisées apparaissent au début du XIXᵉ siècle (ex. école pour déficients auditifs à Hartford, 1815), mais leur objectif est plus éducatif que civique .
Du XXᵉ siècle aux années 1960 : émergence d’une revendication collective
Le XXᵉ siècle voit l’organisation des premières associations :
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En 1935, à New York, la League of the Physically Handicapped organise un sit‑in de 9 jours contre la discrimination lors du New Deal.
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En 1945, le président Truman instaure la « National Employ the Physically Handicapped Week », rebaptisée en 1962 « National ... Handicapped Week » et enfin en 1988 « National Disability Employment Awareness Month ».
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En 1961, la première norme pour l’accessibilité des bâtiments est publiée.
La Rehabilitation Act de 1973, Section 504, représente un tournant. Elle interdit la discrimination dans les programmes publics et fédéraux, mais sa mise en œuvre se heurte au retard des règlements. S’ensuit un sit‑in fameux à San Francisco pendant 25 jours en 1977, mené par Judith Heumann et Kitty Cone, marquant un moment symbolique pour la visibilité politique du handicap .
De l’ADA à nos jours : vers des droits concrets… mais insuffisants
L’adoption historique de l’ADA (1990)
Le Americans with Disabilities Act (ADA) est promulgué le 26 juillet 1990 par George H. W. Bush, s’inspirant clairement du Civil Rights Act de 1964. Son succès est rendu possible grâce à des actions militantes fortes comme le Capitol Crawl, où des militants, à genoux ou à quatre pattes, escaladent les marches du Capitole pour dénoncer l’inaccessibilit.
Cette loi garantit :
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l’accès aux bâtiments publics et privés,
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l’emploi sans discrimination,
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les transports, télécommunications, hébergement, etc.
Renforcement et prolongations
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En 1999, l’arrêt Olmstead v. L.C. impose le droit à un accompagnement communautaire plutôt qu’institutionnel.
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En 2008, l’ADAAA élargit la définition même de « handicap », permettant une protection plus large.
Une mise en œuvre partielle
L’ADA a changé le quotidien : trottoirs abaissés, rampes d’accès, bus adaptés, scolarisation inclusive. Mais les défis persistent :
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chômage plus élevé, pauvreté, accès au logement toujours limité.
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discriminations bureaucratiques, lenteur d’application des lois, manque de formation dans l’éducation .
Les défis actuels : un recul possible ?
Depuis 2023–2025, plusieurs articles relèvent des tendances inquiétantes :
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Une revue politico-médiatique évoque une cible des mouvements d’extrême droite américains, menaces contre l’interprétation en langue des signes, coupes dans l’éducation et les aides sociales.
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En avril 2025, le New York Mag confirme une érosion des protections ADA, réduction des initiatives DEI et suppression de directives pour l’Implémentation.
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Or, comme l’avaient souligné les fondateurs de l’ADAPT, un mouvement militant non-violent reste crucial pour défendre et approfondir les libertés.
Depuis l’indépendance, les personnes handicapées aux États‑Unis sont passées d’une invisibilité absolue à une reconnaissance juridique sans précédent. Mais cette histoire reste inachevée. Entre avancées législatives majeures (ADA, ADAAA, Olmstead) et risques de recul récent, l’enjeu est de maintenir la mobilisation citoyenne, de renforcer l’accès concret aux droits, et de penser une inclusion systémique, bien au-delà des rampes et des trottoirs abaissés.
Auteur
Mayeul BERETTA
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