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Aline PETIT
Aline Petit, quand le théâtre devient un outil d’inclusion et de transformation
Réalisé le lundi 7 juillet 2025 – Par Mayeul BERETTA
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre activité ?
Aline Petit :
Bonjour, je m’appelle Aline Petit. Mon activité principale est centrée sur le théâtre, avec une
approche assez large.
J’interviens dans des contextes variés : l’enseignement supérieur, les entreprises, mais aussi
auprès de particuliers. Je suis également très engagée dans le secteur de l’économie sociale et
solidaire (ESS), notamment au sein d’associations qui accompagnent des publics éloignés de
l’emploi – des personnes en situation de handicap, en convalescence après des addictions ou
des maladies chroniques.
Mon rôle est de les aider à reprendre confiance en eux, notamment
en vue d’un entretien d’embauche.
J’accompagne aussi des mineurs en rupture familiale.
J’utilise le théâtre et l’improvisation comme leviers pour améliorer la communication orale, la
prise de parole en public, la gestion de conflits, ou encore pour renforcer la cohésion
d’équipe. L’improvisation est un formidable outil de lien social et de convivialité.
Je suis également comédienne : je joue dans des spectacles classiques, en théâtre forum, et je
pratique régulièrement l’improvisation.
Et le festival d’Avignon, ça vous tente ?
Aline Petit :
En théorie, oui. En pratique, non. J’y suis allée deux fois en tant que spectatrice, et j’ai
beaucoup souffert de la chaleur. Me projeter trois semaines sous un soleil de plomb à tracter
pour promouvoir un spectacle, parmi près de 1 800 autres, me semble aujourd’hui peu
envisageable.
Avignon n’est plus forcément “le” passage obligé. À moins d’avoir un bon réseau et des
connexions solides avec des salles, ce n’est pas une priorité pour moi.
Quelle est votre vision de la diversité dans le théâtre et l’improvisation ?
Aline Petit :
C’est une vaste de question.
Certaines personnes en situation de handicap ne se sentent pas légitimes à s’inscrire à des
cours. Pourtant, dans mes ateliers de loisir, j’ai accueilli des participants en fauteuil,
malvoyants, autistes...
Mon rôle, c’est de m’adapter à leur réalité pour leur offrir un espace
réellement inclusif.
Concernant la diversité ethnique et sociale, l’improvisation reste globalement très blanche et
majoritairement masculine.
Contrairement au théâtre traditionnel, qui attire davantage de
femmes.
Je constate d’ailleurs que, avec le temps, les femmes désertent les cours d’impro.
Probablement en raison de leur charge mentale ou de la pression sociale.
Socialement, l’impro reste aussi un loisir onéreux — autour de 750 à 800 € par an — peu
subventionné, donc accessible surtout aux CSP+. On a donc peu de personnes racisées, car
cela regroupe souvent des inégalités sociales.
Et il ne faut pas oublier le problème de l’accessibilité des locaux, qui constitue un frein
majeur pour les personnes en situation de handicap.
Et sur la question des rôles dans les pièces ?
Aline Petit :
En impro, ça ne se pose pas car on crée tout. Nous ne nous sommes pas limités par un auteur.
Et même dans les pièces classiques, nous pouvons adapter les textes.
Ce sont nos mentalités qui bloquent. Il y a une stratégie raciste historique qui
perdure, ancrée dans le système.
Moi, je veux voir des spectacles où les différences sont visibles, accueillies, assumées, et
jamais un frein à la rencontre artistique. Le théâtre appartient à toutes et à tous. Nos
différences sont nos richesses.
Vous évoquiez un souvenir marquant ?
Aline Petit :
Oui, un élève autiste, que j'appellerai *Sami. Il a participé à un spectacle. L’impro peut
être di?icile pour des personnes autistes, surtout sur le plan de l’imaginaire immédiat.
Mais on a trouvé des exercices adaptés, où il brillait, soutenu par ses camarades. Il a pu
jouer trois scènes, et à la fin, il était heureux.
Il y avait une vraie harmonie dans le groupe.
Ce genre de moments prouve qu’avec le bon cadre, chacun peut exister sur scène.
Et pour les personnes timides ?
Aline Petit :
C’est fréquent. Beaucoup viennent pour gagner en confiance. Et ça marche ! Je n’ai
jamais vu quelqu’un repartir aussi timide qu’il est arrivé. L’impro, c’est une zone de
créativité immense, un espace de confrontation bienveillante à l’altérité. C’est là qu’on
grandit. Si on l’enseignait dès le plus jeune âge, je suis convaincue qu’on développerait
bien plus d’empathie.
Comment se déroule un cours typique ?
Aline Petit :
Deux grandes phases : l’échau?ement (15 min à 1h30 selon les besoins), puis des
exercices ciblés !On travaille l’écoute (la base !), l’acceptation des propositions, la narration,
l’incarnation, la gestion de l’espace…
En impro, on est auteur, acteur, scénariste, metteur en scène… et on apprend à gérer
l’erreur.
Elle fait partie du jeu. On la transforme en opportunité.
Un mot pour conclure ?
Aline Petit :
L’impro est un outil magique. Il nous connecte aux autres, nous aide à mieux nous
connaître, et surtout, à accepter nos vulnérabilités.
C’est un terrain d’entraînement pour vivre ensemble, plus humainement.
Retrouvez Aline PETIT en spectacle d’impro et sur Instagram : @Cie_la_muse_ment
Note : certains prénoms avec * ont été modifiés afin de préserver l’anonymat des
personnes mentionnées !
Auteur
Mayeul BERETTA
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